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Taoïsme

© Chine Informations - La Rédaction

Système de pensée religieuse et philosophique, le taoïsme constitue un syncrétisme complexe qui s'est développé en Chine au VIe siècle av. J.-C. Né parallèlement au confucianisme mais en rupture avec lui, le taoïsme est devenu, avec le bouddhisme, l'une des deux grandes religions chinoises.

On peut dire que le taoïsme est la religion de la «Chine profonde», car il fait appel à des croyances d'une tradition fort ancienne touchant les couches les plus populaires de la société. Face au confucianisme, philosophie humaniste officielle insérant l'homme dans un univers avant tout moral et social, le taoïsme, lui, se montre davantage préoccupé de l'individu, de sa conscience et de sa vie spirituelle, voire spéculative, dans sa recherche d'une harmonie avec la nature et l'univers.


RACINES DU TAOïSME RELIGIEUX

La religion chinoise archaïque

Elle se présentait sous un double aspect: on trouvait d'une part un système de croyances traditionnelles liées à des cultes agraires (fêtes saisonnières, fêtes de fertilité) enraciné dans la paysannerie, d'autre part un culte aristocratique, issu des mêmes fondements agraires mais marqué par le style de la vie seigneuriale, comportant notamment un culte des ancêtres plus élaboré et plus axé sur les structures sociales.

L'essentiel de cette religion primitive reposait sur les rapports supposés intimes et rationnels entre la nature et la société, l'une comme l'autre obéissant à des principes d'équilibre et à des règles d'alternance. Respecter les rythmes naturels tout en accordant ces derniers à la société devait constituer l'idéal d'une société agricole. La bonne conduite des hommes exigeait donc que l'on accomplît des offrandes, des sacrifices aux divinités chthoniennes, célestes ou aquatiques. Au cours des fêtes paysannes, on célébrait les travaux des champs et la fertilité du sol – parfois par des manifestations licencieuses –, tandis que des rites incantatoires, propitiatoires ou déprécatoires étaient destinés à accueillir l'année nouvelle ou à éloigner les épidémies ou les épizooties.

Les sectes contestataires du confucianisme

La fin de l'Antiquité – aux alentours de 500 av. J.-C. – voit la Chine évoluer vers la formation d'États militaires. Des réformes affectent l'administration, la juridiction et, partant, l'ensemble de la société, alors que se développent le commerce et l'artisanat. Dans cette Chine en pleine évolution se fait jour une fermentation intellectuelle. Elle va notamment transformer le sentiment religieux.

La religion archaïque des Chinois rendait un culte à de multiples divinités, émanations de forces occultes telles que la foudre, le tonnerre ou le vent. Or de nombreux lettrés se mirent à contester cette religion officielle qui devenait une forme de pure négociation entre l'homme et les dieux, réduits à des forces magiques. La religion ne leur semblait destinée qu'à garantir un ordre social et politique. Ils cherchaient une religion nouvelle, qui prendrait davantage en compte l'individu, dans ses exigences spirituelles, ses préoccupations existentielles, notamment celles concernant l'au-delà. D'où l'apparition de nombreuses sectes opposées à la religion officielle, qui s'appuiera désormais sur le confucianisme et son ordre moral et sociopolitique.

La doctrine taoïste se serait ainsi lentement élaborée au sein d'un milieu de lettrés au service de l'aristocratie, les scribes et les archivistes-bibliothécaires seigneuriaux réputés détenir un savoir important, parfois ésotérique. En effet, cette corporation étudiait des écrits touchant à la médecine, à la pharmacopée, à la chimie ou à l'astronomie, autant de disciplines se confondant souvent avec la recherche des élixirs de longue vie, l'alchimie et l'astrologie.

Le culte des esprits

À ce stade, on peut faire du taoïsme religieux l'aboutissement de trois courants de pensée. En premier lieu, on trouve un fonds de superstitions populaires centrées sur la crainte et le respect des esprits, ces derniers symbolisant le plus souvent les énergies naturelles (eau, feu, terre fécondatrice). Toutefois, des sites inaccessibles, inhabituels, dangereux – et donc entourés de mystère (montagnes, grottes) – pouvaient aussi abriter des esprits. Les fantômes, les âmes des défunts se rattachaient à ces mêmes esprits censés posséder des pouvoirs bénéfiques ou maléfiques et qu'il convenait de s'allier par des prières et des offrandes. Sous l'influence du culte des ancêtres fut associé à celui des esprits un panthéon de personnages historiques ou légendaires (Laozi, l'Empereur jaune, l'Empereur de Jade...).

L'aspiration à l'immortalité

En second lieu, entre le Ve et le IIIe siècle av. J.-C., on vit se théoriser la croyance à l'immortalité et à la possibilité pour l'homme d'accéder à cet état par le biais de pratiques ésotériques (régulation du souffle, concentration mentale, ingestion de jade, pratiques sexuelles particulières).

Le yin et le yang

Enfin, vers le IVe ou le IIIe siècle av. J.-C., s'élabora un double courant matérialiste, explicatif de l'Univers et de ses mécanismes. D'abord l'école du yin et du yang, mentionnée pour la première fois dans un ouvrage intitulé Discours des États et qui faisait état de deux forces fondamentales du cosmos: d'une part le yang, qui représente l'énergie solaire, la lumière, la chaleur, la force mâle, le positif, d'autre part le yin, qui est lunaire, obscurité, froideur, énergie féminine, passivité. De l'interaction de ces deux notions, de leur équilibre et de leur alternance naissent tous les phénomènes de la nature. Ensuite, complétant le concept précédent, un autre courant, exposé dans le Livre des Documents, interprète la structure de l'Univers par la présence des Cinq Éléments (eau, bois, feu, métal, terre), qui ont leur correspondance dans les saisons, les points cardinaux ou les fonctions biologiques (les Cinq Viscères: cœur, poumons, reins, foie, rate).

Naissance de la religion taoïste

De ces courants de pensée spiritualistes ou matérialistes naquit, au IIe siècle apr. J.-C., la véritable religion taoïste.

La Voie de la Paix, secte fondée par Gan Zhongke

Déjà, un siècle auparavant, était apparue une secte fondée par Gan Zhongke, la Voie de la Paix, dont le substrat théorique était un ouvrage dénommé le Classique de la Paix. Accusé de fomenter des troubles, son initiateur fut mis à mort par les autorités. Mais le martyr avait eu le temps de faire des adeptes, et un second souffle enflamma bientôt les sectateurs, lesquels en vinrent à soutenir la grave rébellion des Turbans jaunes qui fit vaciller le pouvoir (184).

La secte des Cinq Boisseaux de Riz

Vers la même époque une nouvelle secte, celle des Cinq Boisseaux de Riz, qui avait pour initiateur le «maître céleste» Zhang Daoling, connut un grand essor. Une lourde hiérarchie ordonnait les fidèles, et les sectateurs taoïstes en vinrent à défier le trône en créant un État religieux indépendant (190). C'est dans le sillage de cet essor spirituel que fut fondé à Longhushan, dans la province du Jiangxi, un des plus célèbres hauts lieux du taoïsme.

Prolifération des sectes

La religion taoïste se répandit en Chine du Nord sous la protection d'aristocrates, puis ses sectes proliférèrent dans le Sud. Du IIIe au VIe siècle, les troubles politiques qui secouaient le pays favorisèrent cette religion: la morale confucianiste paraissait tout à fait inopérante pour restaurer l'ordre parmi les hommes et les provinces déchirées. Par ailleurs, en période de crise, le mysticisme taoïste convenait à beaucoup, d'autant que des textes nouveaux consacrés à la spiritualité ou à l'alchimie enrichirent encore cette doctrine, qui en arriva à se confronter au bouddhisme. Sous l'influence de Tao Hongjing (456-536), on assista même à une tentative de syncrétisme mêlant taoïsme, bouddhisme et confucianisme.

EVOLUTION DU TAOÏSME

Sous la dynastie Tang

Sous la dynastie Tang (618-907), Laozi fut remis à l'honneur, et le taoïste Sima Chengzhen mit l'accent sur les exercices méditatifs par l'introduction d'un livre Sur la méditation et l'oubli. Sous la dynastie Song (960-1279), le taoïsme jouit de la protection des souverains impériaux, séduits par ses pratiques mystiques et ésotériques, la hiérarchie complexe qui œuvrait dans ses temples de plus en plus nombreux. Car il se forma bientôt un clergé taoïste – masculin et féminin – comportant des grades et des distinctions. Le taoïsme finit même par témoigner de soucis administratifs. S'appropriant les génies locaux et domestiques, il les hiérarchisa dans son panthéon et, religion de la Nature, en vint à substituer à l'administration humaine une autre administration en charge des destinées des âmes.

Ainsi s'élabora un code des bonnes et mauvaises actions, une forme de censure divine qui était censée abréger l'existence ou fournir des récompenses posthumes aux actions humaines. Le taoïsme avait ses paradis et ses enfers, peuplés d'immortels ou de préposés infernaux résidant dans des sites empreints de mystère, qui étaient parfois des lieux de pèlerinage populaires.

Cette religion souple et originale présentait aux fidèles des divinités à la fois suprêmes et proches. Elle conférait à ses desservants le don de formules magiques, de talismans. Elle leur attribuait des pouvoirs surnaturels par l'intermédiaire d'exercices ésotériques parfois audacieux, voire licencieux, qu'enseignaient des médiums respectés. Toutefois cette religion était trop dépendante de son substrat anarchisant et libertaire pour former un véritable clergé inséré dans une Église officielle et, sous cet aspect, son succès ne pouvait être qu'éphémère.

Sous la dynastie Ming

Sous la dynastie Ming (1368-1644), le taoïsme jouit toujours de la protection impériale, mais il est divisé en de multiples sectes: la Voie de l'Unique Vérité, très populaire en raison de ses rites d'exorcisme et de communication avec les esprits; la secte de la Vraie Totalité, qui insiste sur les exercices de méditation à l'abri des sanctuaires monastiques; la Voie de la Véritable Grandeur, attachée aux principes moraux; la Voie de l'Unicité suprême, qui insiste sur les pratiques magico-religieuses. Mais l'introduction d'idées nouvelles, d'un savoir scientifique et l'apport de techniques venues d'Occident écartent sensiblement le taoïsme de sa tendance au mysticisme. Sous la dynastie suivante des Qing (1644-1911), le taoïsme religieux perd encore du terrain du fait que les Mandchous qui règnent à Pékin sont bouddhistes: ils ne favorisent guère cette religion qui va désormais se marginaliser parmi les couches populaires des campagnes.

Laozi et le Dao

On ne sait presque rien de Laozi, le fondateur quasi mythique du taoïsme. Il serait né en Chine centrale, entre 604 et 517 av. J.-C., et son nom de famille était sans doute Li. On le désigna toutefois sous le sobriquet de Laozi, que l'on peut traduire par «le Vieux» ou «le Vieil Enfant». D'abord conservateur aux archives de la cour des Zhou orientaux (770-221), il aurait été écœuré par la bassesse des politiciens et aurait choisi de mener une existence retirée. Il aurait alors gagné l'Inde, juché sur le dos d'un buffle noir, et c'est à la demande d'un garde-frontière qu'il aurait rédigé le Laozi wu qian jing, c'est-à-dire «le Texte en cinq mille caractères de Laozi», connu ultérieurement sous le titre de Daodejing (le Livre de la Voie et de la Vertu).

Le Daodejing

L'ouvrage n'a sans doute pas été écrit par Laozi, et son titre ne date que de l'époque Han (206 av. J.-C. - 220 apr. J.-C.). Il semble bien qu'il faille admettre une rédaction commune à plusieurs philosophes. La notion de dao (la Voie spirituelle) est difficile à définir. On peut dire qu'elle est une entité universelle entièrement transcendantale, qu'elle est l'origine cosmique de l'ensemble des êtres et des choses, de leur régulation et de leur harmonie.

De, dao, yin, yang, wu, you, wuwei

Le de (la «Vertu») désigne l'action découlant du dao, la manifestation du dao dans les êtres et les choses. Il ne s'agit donc pas là de la vertu confucéenne acquise par l'étude et la rigueur morale. Chez Laozi, elle prend un caractère cosmique sans rapport avec l'éducation, la civilisation. Le dao de Laozi n'est pas immuable. C'est un cycle en devenir permanent qui se manifeste par la dualité du yin et du yang, par l'alternance du positif et du négatif, du jour et des ténèbres, de l'énergie mâle et de l'énergie femelle.

À côté de ces notions abstraites se distinguent également celle du wu (la «non-existence»), opposée au you (l'«Être», le «visible»), et celle du wuwei (le «non-agir»), auxquelles atteint le véritable sage. C'est là l'idéal taoïste. Il ne s'agit pas de paresse, mais plutôt de non-action active, car, pour le taoïste, la passivité a remporté et remporte autant de victoires que l'action.

L'idéal taoïste

Ainsi l'idéal du véritable taoïste doit-il être le choix d'une existence empreinte de modestie et qui se garde de désobéir à l'ordre naturel des choses, à la Nature. La parole, la pensée même sont inutiles parce que accessoires et illusoires. L'homme, ce microcosme, doit se fondre dans l'Univers, ce macrocosme. Pour les tenants de la pensée de Laozi, il ne faut surtout pas confondre savoir et sagesse. L'intellectuel, le philosophe sont pour eux la pire engeance des nations et des gouvernements, car ils mêlent à tort et à travers la théorie et la pratique, l'idéologie et la vie quotidienne. Plus, ils vont jusqu'à dissimuler sous leurs discours leur ignorance de la vertu. Un intellectuel est un danger pour l'homme et la société, car il s'efforce sans cesse de construire cette dernière à l'image d'une figure géométrique, annihilant de ce fait toute énergie créatrice chez l'individu, lui ôtant toute liberté. Au contraire, le sage génère le moins possible de règles et de principes, écarte tout artifice et s'exerce à mener une vie liée aux cycles de la nature. Tel est le message du Daodejing.

Les courants taoïstes

À partir des idées de Laozi, un nouveau courant taoïste apparut avec le Zhuangzi (ouvrage d'un apologiste de Laozi) et le Liezi. Le premier exprime l'unicité du dao, ce Un qui forme le Tout. Comme Laozi, Zhuangzi refuse les interventions humaines dans les domaines de la science, de la culture et des lois. Il refuse à la fois la philanthropie et la misanthropie, et ne participe donc à l'existence que par le non-agir. Le Liezi, quant à lui, insiste sur l'aspect onirique de la pensée taoïste et s'oppose radicalement à Confucius. Enfin, un autre disciple, Yangzhu, se fait l'avocat d'une forme de pessimisme foncièrement individualiste.

La nature du taoïsme

À travers les écrits présumés de Laozi et de ses disciples, on peut essayer de cerner la réalité de ce modèle naturel élu par la pensée taoïste. Pour cette dernière, choisir la nature c'est suivre l'évolution, c'est respecter l'ordre des saisons, l'alternance du chaud et du froid. Cette loi naturelle est attestée par la conscience en chacun de la majestueuse beauté d'un paysage de montagne, de l'harmonie évidente qui conduit un ruisseau à naître entre des pierres moussues avant d'aller, transformé en fleuve puissant, se jeter dans l'immensité océane.

Devançant Spinoza, Laozi voit se fondre dans le dao toutes les lois de la nature qui vont ainsi s'unir pour former la substance de toute réalité. Toutes les formes, toutes les variétés de la nature ont leur place déterminée, et l'unité dans la diversité préside à l'absolu cosmique. Marquée par un monisme naturaliste, cette philosophie reflète la pensée d'un homme marqué par la cruauté, l'injustice, les abus de pouvoir. Ainsi «le Vieux» préconise-t-il une forme de «paradis perdu» à retrouver en soi: «Tout, dans la nature, travaille en silence. Les choses naissent et ne possèdent rien. Elles accomplissent leur fonction sans rien réclamer. Toutes les choses font leur besogne dans l'apaisement. Après qu'elles ont atteint leur plein épanouissement, chacune retourne à son origine. Retourner à son origine, cela signifie se reposer, remplir sa destinée. Ce retour est une loi éternelle. Connaître cette loi, c'est la sagesse.»

Le taoïste n'est ni pieux ni dévot. Son silence est le début de la sagesse, et il s'abstient même de parler du dao. L'abandon des passions, des gesticulations éphémères et inutiles constitue donc l'idéal que recherchait Laozi: «cultiver son jardin» reste encore une vertu apaisante et curative, une philosophie à part entière, notamment dans les sociétés industrielles modernes.

Aujourd'hui, le taoïsme religieux semble avoir perdu pied en Chine. Des temples ont été abandonnés, détruits durant la Révolution culturelle, au mieux livrés aux touristes. Mais à l'aube du XXIe siècle, des paysans de Taiwan, de Hongkong ou de diverses régions rurales chinoises conservent les croyances anciennes, les rites funéraires, et fréquentent les lieux de pèlerinage taoïstes. Qui sait si une large part de la pensée de Laozi n'est pas toujours présente dans la «Chine profonde»?

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