Légisme
Dans l'histoire chinoise, le légisme faisait partie des quatre grandes écoles de philosophie au cours de la Période des Automnes et des Printemps et des Royaumes des Combattants (les trois autres écoles étaient le confucianisme, le taoïsme et le mohisme. La chine était dans une ère d'effervescence culturelle et intellectuelle (770-221 avant JC) qui donna naissance aux Cent Ecoles de Pensée. Le légisme devint l'idéologie prédominante sous le gouvernement de Li Si. Certains intellectuels considèrent que le légisme sous Li Si a été en fait le premier régime totalitaire connu.
Le légisme est une philosophie politique pragmatique qui ne se penche pas sur les questions existentielles, comme le but de la vie. Il tire un de ses plus grands principes de la philosophie du droit, quand le légisme se définit comme l'acte de suivre toutes les lois, il dit que la philosophie politique confirme la règle de la loi. Le plus grand partisan légiste croit qu'un souverain doit gouverner ses sujets en suivant la trinité suivante :
1. La loi 法 (fǎ) : elle doit être clairement rédigée et être publique. Tous les gens en dessous du souverain sont égaux devant la loi. Les lois doivent récompenser ceux qui obéissent et châtier ceux qui l'enfreignent. Le système de la loi dirige l'Etat, et non le souverain. Si la loi est appliquée correctement, même un dirigeant faible peut devenir fort.
2. Les tactiques 術 (shù) : chaque souverain a ses méthodes secrètes pur s'assurer qu'aucune autre personne ne prenne la tête de l'Etat. Personne ne peut sonder les réelles motivations du souverain, donc personne ne connait l'attitude employée pour arriver à la tête, si ce n'est le respect des lois.
3. La position du souverain 勢 (shì)
ORIGINES
Han Fei 韩非 et Li Si 李斯 sont à l'origine du légisme chinois, créé dans l'idée d'une réforme réaliste dont le but était de donner l'opportunité à l'Etat de Qin, alors en retrait, de devenir un état puissant. La Chine était alors dans une période de troubles, et au bord de la guerre civile. Le confucianisme, le taoïsme et le bouddhisme ont émergés aussi à cette période, afin de tenter d'apporter une solution. Le Roi de Qin voulait conquérir 6 autres états et former la Chine. Shang Yang avança l'idée que les personnes étaient fondamentalement égales, et que des lois strictes et des punitions sévères étaient la clé pour un bon contrôle. Shang Yang devint le premier ministre du roi de Qing, sous le gouvernement du Duc Xiao de Qin. Il transforma progressivement la Chine en une solide machine bien réglée dont le seul but était d'éliminer toute opposition. Il mit aussi fin à l'aristocratie, et la remplaça par la méritocratie : seuls ceux qui le méritaient pouvaient désormais avoir accès aux places élevées, et le privilège de la naissance était réservé au souverain. Jusqu'ici, l'armée avait été dirigée par des nobles et était constituée de serfs. A présent, les généraux pouvaient être issus de n'importe quelle catégorie sociale, seule leur habileté était prise en compte. Les troupes étaient très entrainées et disciplinées. L'Etat de Qin était en passe de devenir l'état le plus puissant de Chine, avant même d'avoir rassemblé les six autres états (Qi, Chu, Yan, Zhao et Wei), avec le roi de Qin à sa tête (connu sous le nom de Qin Ying Zheng avant son accès au trône).
LE ROLE DU SOUVERAIN
Les légistes ont insisté sur le « mystère de l'autorité » qui entoure le souverain, ses décisions doivent donc toujours inspirer le plus grand respect et l'obéissance du peuple. Le pays passe avant l'individu. Les légistes Shen Dao et Shen Buhai cherchaient à réduire l'importance du charisme du souverain, en mettant l'accent sur le gouvernement. Les souverains habiles dissimulent leurs réelles intentions et feignent la nonchalance. Pour que chacun de ses mots soient l'objet de tous les respects, le souverain sage adopte un profil bas. En masquant à la fois ses désirs et sa volonté, l'empereur limite la flagornerie et pousse le peuple à écouter très attentivement ses ordres.
Le gouvernement légiste préfère la sévérité à la bienveillance. Même si on attend que le souverain incarne l'image paternelle, les légistes affirment que trop de bienveillance reviendrait à faire du peuple des enfants gâtés et menacerait l'ordre interne de l'état. Cependant, il est très intéressant de noter, que selon le grand historien des Han, Sima Qian, lorsque le premier empereur de Qin s'est retiré du reste du monde (sûrement pour atteindre l'immortalité), il n'a pas suivi tous les conseils des légistes sur le rôle du souverain.
LE ROLE DES MINISTRES DANS LA PENSEE LEGISTE
Afin d'aider le souverain et de prévenir les erreurs de gouvernement, Shen Buhai , le ministre de l'Etat de Han pendant 15 ans, a mis en place le concept « shu » (méthodes), autrement dit le modèle bureaucratique administratif qui permet l'avancement du programme légiste. Pour les légistes, le ministre intelligent est l'aide la plus précieuse du souverain. Le devoir du ministre est de s'occuper d'affaires spécifiques, et le rôle du souverain est de juger les performances du ministre à leur juste valeur. Les officiels et les ministres avaient pour habitude de chercher les faveurs de puissances étrangères en abusant de leur position, pour y remédier, Han Fei demanda expressément aux souverains de les contrôler en exerçant la faveur et la punition. Des officiels avaient pour rôle de contrôler que les ministres ne faisaient ni plus ni moins des tâches qui leur étaient assignées. L'éminent sinologue Robin Yates, a récemment découvert dans les codes légaux de la dynastie Qin, que des officiels devaient calculer la quantité exacte de travail pour un artisan, si celui-ci devait fournir plus ou moins de travail, l'officiel en était tenu pour responsable. Selon la théorie du légisme, un officiel n'a pas le droit de faire le travail d'un autre. Si un officiel tentait de manipuler le souverain ou ne parvenait pas à le prévenir d'un danger, il était puni. Les ministres pouvaient être tenus responsables d'une mésaventure royale, car le nom du souverain ne pouvait être en aucun cas terni. En mettant l'accent sur la performance, les légistes espéraient éradiquer la corruption.
LE BUT DE LA LOI
Les lois soutenues par les légistes sont censées appuyer l'Etat, le roi et l'armée. Ces lois étaient très innovantes. En théorie, les légistes pensaient que si les punitions étaient sévères, et la loi appliquée pareillement pour tous, alors personne ne pourrait échapper au contrôle de l'état. Le légisme se caractérise par un pragmatisme basé sur la loi, contrairement à ses prédécesseurs. Guidé par la pensée légiste, l'empereur Qin a diminué le pouvoir des seigneurs féodaux (pas en totalité), divisé l'empire en 36 provinces, et standardisé le système d'écriture. Un soldat de Qin ne pouvait être mobilisé, seulement s'il avait les deux parties d'un écusson portant l'effigie du tigre, une moitié était attribuée par le souverain, et l'autre par le commandant en chef. Tous les documents de l'empire devaient mentionner l'année de rédaction, le nom du scribe, et l'heure exacte à laquelle il fut rendu. Après avoir accepté la proposition de Shang Yang pour la standardisation des poids et des mesures, le roi de Qin accepta aussi sa philosophie qu'aucun individu dans l'état se trouve au-dessus de la loi, et que les familles devraient divisées en plus petits foyers. La loi qui devait servir les intérêts de l'état avant tout, était aussi un moyen de contrôler à la fois la population, et d'éliminer les opposants.
LE LEGISME ET L'AUTONOMIE INDIVIDUELLE
Pour les philosophes légistes, la primauté de l'état prévaut sur l'autonomie individuelle. L'individu n'a aucun droit civil et aucune liberté personnelle. Fondamentalement, les légistes estiment que le peuple agit de manière servile et égoïste.
Cependant le légisme donne l'opportunité à n'importe qui de gravir les échelons en cas de bon travail. Les soldats montent en grade selon le nombre de têtes récoltées. Un soldat peut même accéder au rang de noblesse. Alors que dans d'autres états, les promotions ne sont que question de relations. Lü Buwei incarne bien cette réussite, autrefois marchant, il a accédé au poste de chancelier de Chine, chose impossible dans les 6 autres états. Il a joué un rôle capital dans l'ascension au pouvoir du roi Zhuangxiang de Qin.
Selon le livre de Shang Yang, Le Livre du Seigneur Shang, le peuple lui-même souhaitait un souverain pour maintenir l'ordre. La cohésion sociale dans l'état légiste mandatait que la population n'échappait jamais à la punition. La dynastie a pris des gens en exemple afin de maintenir une vigilance constante des uns sur les autres, dans un climat de menaces de mort.
Cette politique mise en application a fini par avoir raison des philosophes légistes eux-mêmes. Shang Yang s'est attiré les foudres du roi Huiwen de Qin, successeur au trône du roi de Qin, en promulguant une loi sur les tuteurs. Il est mort écrasé par des chars. Quant à Han Fei, il fut empoisonné par son camarade envieux, Li Si. Ce dernier fut tué (sous la loi qu'il avait lui-même promulguée) par le second empereur de Qin, qu'il avait soutenu pour l'accès au trône.
LE POUVOIR POLITIQUE ET LES PHILOSOPHIES
Le légisme a été très mal vu par les philosophes et penseurs, car cette pensée est considérée aujourd'hui come totalitaire. Beaucoup d'intellectuels pensent que le côté personnaliste et moraliste de la politique impérialiste chinoise, est une réaction contre le légisme.
Cependant, ces points de vue sur le Qin, ne sont pas très objectifs, car ils furent rapportés par des intellectuels confucéens, persécutés à cette époque.
LE DECLIN
Durant les dernières dynasties, le légisme perdit son influence et ne fut plus une école indépendante de pensée. Cependant, les observateurs (anciens et modernes) confucéens s'accordent à dire que la politique chinoise a conservé certaines idées légistes. La philosophie de la Chine impériale a été décrite comme ayant une apparence confucéenne, mais un noyau légiste. En d'autres termes, les valeurs confucéennes servent à enrober des idées légistes, réelles bases du système impérial. Les dynasties Sui et Tang se sont servies des idées bouddhistes comme couverture.
Lors de la tentative de réunification de la Chine, de la dynastie Sui, le légisme a connu un bref essor. Lorsque la dynastie Tang a pris la suite, elle a gardé la structure gouvernementale mais avec un assouplissement dans la répression.
Plus récemment, Mao Zedong, qui a des connaissances concernant les philosophies chinoises, s'est comparé au roi de Qin, et a approuvé publiquement les méthodes légistes. La méthode des récompenses et des punitions fut approuvée en 1980 sous l'administration de Deng Xiaping, ce qui a permis l'accroissement du gouvernement de Pékin au fil du temps. Depuis les années 1990, le concept de la règle de la loi gagne du terrain.
LES PERSONNALITES
Il a souvent été dit que le penseur confucéen Xun Zi avait été influencé ou avait nourri des pensées légistes, à cause de ses deux disciples, Li Si et Han Fei, qui étaient des légistes radicaux.
