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Deux Français ouvrent un restaurant français à Changsha en Chine (Interview)

© Chine Informations - La Rédaction, Le 08/05/2012 11:36, modifié le 18/12/2012 04:11

(miniature) Georges Hymans, restaurateur français en Chine Georges Hymans, restaurateur français en Chine
Georges Hymans au comptoir.

Alain et Georges sont deux Français fraîchement installés à Changsha (province du Hunan en Chine). Ils viennent d'y ouvrir un restaurant français. Chine Informations les a rencontrés…

Bonjour ! Pouvez-vous brièvement vous présenter à nos lecteurs ?

Alain : j'ai 38 ans, originaire de Guingamp en Bretagne. J'ai passé de nombreuses années à travailler à l'étranger, mais  également sur les bateaux de croisières.

Georges : J'ai 32 ans, parisien. Je suis un surdiplômé avec un bac + 5 en droit et un MBA obtenu en Allemagne. J'ai travaillé  comme commercial et 2 ans en Chine.

Georges, tu n'en es pas à ta première tentative : tu as déjà ouvert deux restaurants ici par le passé. Où en sont ces premiers projets aujourd'hui et quelles leçons en as-tu tirées ?

Je pense qu'il y a beaucoup d'opportunités en Chine. Les Chinois sont des bons vivants et la nourriture est une de leurs dépenses principales. J'ai ouvert un premier restaurant qui a fait faillite car je louais un local trop grand et trop cher (immeuble neuf et nombreuses dépenses pour la société qui gérait le complexe immobilier). J'étais obligé de gagner beaucoup donc d'avoir des prix élevés et une décoration exceptionnelle. Et je n'avais pas investi assez. Le second restaurant est resté ouvert 1 an et demi. Cela fonctionnait bien : petits prix, plats appréciés et intérêt des medias Chinois. Mais il n'y avait aucune décoration et des chaises bancales... On proposait des plats français et de la nourriture chinoise et cela demandait beaucoup de travail. On était aussi trop lent pour le service. De plus le local était trop vieux. J'aurai dû tout refaire (décoration, meubles, local) pour espérer prospérer.

Alain (le cuisinier), qu'est-ce qui t'a décidé de venir de lancer dans l'aventure en Chine et comment as-tu rencontré George ?

(miniature) Deux Français ouvrent un restaurant français à Changsha en Chine (Interview) Deux Français ouvrent un restaurant français à Changsha en Chine (Interview)

Je suis venu en Chine pour la première fois en 2006 à Wuhan pour voir un ami. Je me suis dis pendant cette période qu'un jour j'habiterai dans ce pays. Je me suis décidé à venir fin 2010, qu'au regard de mon âge, s'il fallait le faire c'était maintenant ou jamais. Je suis mis à chercher sur Internet la manière dont il fallait s'y prendre pour ouvrir un commerce en Chine et par la même occasion trouver un partenaire car il était pour moi impossible de me lancer seul dans l'aventure.

J'avais trouvé un article de Georges qui parlait de son expérience en Chine. Il faisait d'ailleurs la promotion de son livre via Internet. Après avoir lu le livre je l'ai contacté et je lui ai parlé de mon projet d'ouvrir un restaurant en Chine. Par la suite tout s'est enchaîné naturellement, notamment la vente de mon appartement en banlieue parisienne.

Comment s'appelle votre restaurant ? Pourquoi avoir choisi cette appellation ?

(miniature) Deux Français ouvrent un restaurant français à Changsha en Chine (Interview) Deux Français ouvrent un restaurant français à Changsha en Chine (Interview)

Quand on crée une entreprise en Chine, le choix du nom est très important. En effet il véhicule une image et des valeurs. Il faut miser sur des valeurs positives, par exemple : la famille, le bonheur, la prospérité, etc. En plus on a voulu jouer sur le coté vraiment étranger et Français pour renforcer notre image auprès des clients. Il a fallu donc trouver un nom français pour les clients étrangers et un nom que les Chinois peuvent comprendre. On était parti sur « Louis » car c'est un nom français que les Chinois connaissent notamment via Louis Vuitton, mais c'était déjà enregistré. On a finalement choisi « Leduc » car ça fait prestigieux et la traduction chinoise 乐都客était positive : Le = bonheur, Dou = tous, Ke = clients : un restaurant abordable pour tous et qui apporte le bonheur !

Depuis quand est-il ouvert et comment avez-vous décidé de cette date ?

Nous avons ouvert il y a une semaine. Nous n'étions pas tout à fait prêts. On voulait ouvrir un mercredi mais la date n'était pas propice. Les Chinois respectent certaines croyances liées aux chiffres : certaines dates sont positives, d'autres sont négatives. On avait finalement le choix entre ouvrir lundi ou attendre le jeudi. On a préféré patienter même si pour nous, chaque jour sans recette nous faisait perdre un peu d'argent (cout du loyer, salaires...).

Pourquoi avoir choisi Changsha qui est une ville de second rang pour lancer votre restaurant ?

Changsha est une ville que Georges connait bien suite à ses expériences. C'est aussi la ville de sa belle famille. Changsha est une capitale de province ; Ce n'est pas une ville secondaire car elle est la ville natale de Mao Zedong et attire des colloques importants. La ville est aussi réputée pour la télé du Hunan qui est très plébiscitée par les Chinois.  La ville compte actuellement environ 8 millions d'habitants et doit encore fusionner avec deux villes voisines. Le métro est en pleine construction. Enfin, il n'y avait pas encore de restaurant français à Changsha.

Quel type de société avez-vous ouvert et pourquoi ?

On est parti sur une société à capital mixte : deux Français et la femme chinoise de Georges. L'idéal est d'enregistrer une entreprise chinoise car cela permet d'éviter de longues démarches administratives. C'est aussi plus avantageux pour les taxes. Mais dans ce cas, il faut avoir entièrement confiance en un Chinois : un conjoint par exemple.

(miniature) Deux Français ouvrent un restaurant français à Changsha en Chine (Interview) Deux Français ouvrent un restaurant français à Changsha en Chine (Interview)

Comment avez-vous trouvé le local commercial ? Et quels sont selon vous les pièges à éviter lors de cette quête ?

Ce n'est pas facile. Le mieux est de faire appel a une entreprise spécialisée qui vous propose différents locaux. Les pièges sont nombreux :

- louer un emplacement inadapté à un restaurant ; Par exemple, vous n'êtes pas autorisé à ouvrir un restaurant à tel endroit mais on va vous jurer le contraire...

- Il faut faire attention aux expropriations ou destructions d'immeubles décidées par l'Etat et donc bien se renseigner avant de louer.

- Il faut vérifier la réévaluation du loyer et louer pour une durée suffisante.

- Il faut vérifier s'il existe une cheminée d'aération pour la cuisine car cela peut coûter cher à construire.

- Il faut regarder l'état de l'immeuble : un nouvel immeuble va coûter cher. Un immeuble trop ancien détruit votre image et peut être vétuste. Attention aussi aux coûts d'entretien. Il faut par exemple payer une équipe de gardiennage ou l'air conditionné dans les centres commerciaux.

- Il faut considérer le quartier et la clientèle. Certaines rues sont propices à la vente à emporter et aux petits prix comme les quartiers universitaires, les centres villes ou rue piétonnes... D'autres rues attirent une cliente aisée différente : quartier des affaires, nouvelles avenues, etc.

- Il faut faire attention aux frais de transfert (transfer fee). La plupart des emplacements à louer sont proposés à la reprise. Il faut bien vérifier que la personne qui vous loue est le propriétaire en demandant le titre de propriété. Il faut ensuite s'entendre avec le précédent locataire et lui verser des frais de transfert. Cette somme peut varier entre 200 et 500 mille selon l'emplacement. Cela peut paraître cher mais c'est un investissement à prendre en compte.

On cherchait un emplacement au rez-de-chaussée pour être visible et aussi profiter de plusieurs revenus : ventes à emporter et vente sur place. On avait besoin d'une petite surface mais suffisante pour être rentable. Quand vous louez, plus la surface est grande, plus le prix au mètre carré baisse ; Mais plus la surface est grande, plus il faut investir dans la déco et l'entretien quotidien. De plus une trop grande surface peut donner l'impression aux piétons passant devant votre commerce, que celui-ci est vide.

Acheter un local peut être un très bon investissement mais à condition d'avoir un budget conséquent que nous n'avions pas.

Les bonnes affaires c'est souvent un local qu'on peut diviser en deux étages –comme nous avons fait - mais attention à ne pas être trop bas de plafond.

Quelles sont les différentes difficultés que vous avez rencontrées pour la location, ainsi que pour les travaux ?

Les principales difficultés ont été :

- la collecte de toutes les licences auprès des différentes administrations. Georges pense que les administrations ont beaucoup changé par rapport à son expérience en 2006. On a reçu l'aide de Chinois très professionnels dans certaines administrations mais il  nous a fallu 4 mois pour tout enregistrer.

- Alain a loué le local commercial fin octobre, il a mis un peu de temps pour en trouver un correspondant à nos attentes.

- On a voulu tout faire dans la légalité pour éviter des problèmes après l'ouverture. Les travaux ont été compliqués essentiellement à cause du laxisme des ouvriers. Pourtant on est passé par une des entreprises de décoration les plus importantes en Chine. Bien que l'on payait directement l'entreprise de décoration, les ouvriers venaient nous réclamer de l'argent supplémentaire.

Avez-vous rencontré d'autres problèmes majeurs ?

Actuellement on est en période de mise en place, il faut faire face en cuisine et se donner à fond. Il faut aussi recruter et former.

Pour les plats nous avons essayé de nous préparer. Alain a une expérience de cuisinier importante. Je connaissais un peu la demande. Mais les Chinois ont des goûts très particuliers mais qui changent vite. Par exemple pour le steak, la plupart les veulent très tendres sinon ils la trouvent trop dure et la disent « vieille ». Ils ne veulent pas non plus manger la viande rouge. Cependant, -phénomène nouveau selon Georges-, certains Chinois veulent manger de la viande rouge et pas trop tendre… Il est difficile de plaire aux exigences de tous les clients.

Pour en venir à votre offre, quelle est la clientèle ciblée ?

On cible le marché de masse avec des prix abordables : les jeunes, les familles avec enfants. On espère aussi attirer éventuellement une clientèle plus aisée qui veut découvrir la gastronomie française à des prix abordables.

Comment comptez-vous faire la communication auprès des locaux ?

On compte d'abord sur la bouche à oreilles. Si l'offre plait et comme nos prix sont abordables, on pense que les clients reviendront et parleront à leurs amis et proches.

A Changsha il n'y a pas encore beaucoup d'étrangers ou de commerces tenus par des étrangers, on espère que cela va nous aider et peut être intéresser certains medias.

Internet est aussi un bon moyen de communication avec par exemple le réseau social chinois Weibo.

De nombreux Chinois reviennent de l'étranger et beaucoup viennent à notre restaurant. Ceux qui ont vécu en France en ont souvent gardé un bon souvenir et communiquent autour de notre établissement.

Enfin on s'attend à ce que les étrangers qui n'habitent pas trop loin viennent de temps en temps, ce qui serait positif pour notre image.

Que peut-t-on trouver par exemple sur la carte ou au menu ?

Pour les plats principaux : steaks, spaghettis, …
Pour les entrées : escargots, foie gras, …
Pour les desserts : cheese-cake et autres tartes, …
Pour les boissons : cafés froids et chauds, sorbets, vins, …

On pense aussi proposer d'autres plats et régulièrement des nouveautés. Note carte est simple car tout est préparé maison ; Cela demande de l'organisation et chaque plat supplémentaire peut être contraignant.

Comment avez-vous choisi les différents plats ?

On a dû proposer des plats typiques ou clichés attendus par les Chinois tout en restant français tant sur la présentation que le goût.

Avec les gâteaux, entrées, et boissons, on espère attirer une clientèle en dehors des heures de repas.

On souhaite également développer une offre de vins accompagnés d'encas pour la soirée.

Quel est le prix moyen d'un repas dans votre restaurant ? Et sur quoi avez-vous basé vos tarifs ?

Pour notre « menu découverte » avec boisson, spaghetti, dessert ou entrée au choix il faut compter 35 Yuan. Pour notre « menu harmonie » avec steak, dessert ou entrée au choix et verre de vin, il faut débourser 88 Yuan.

On voulait proposer de petits prix pour permettre au plus grand nombre de découvrir la cuisine française. De plus la taille de notre restaurant et notre emplacement ne nous permettent pas de proposer des prix trop élevés ou de miser sur une clientèle particulièrement riche. On doit aussi assurer nos marges. Il faut donc avoir un nombre plus important de clients. On compte sur plusieurs revenus : repas, cafés, ventes à emporter. On doit d'ailleurs revoir certains prix car certains sont trop bas et d'autres trop élevés. Les attentes des Chinois nous permettent aussi de définir nos prix ; Par exemple on nous a presque reproché nos prix trop bas pour le foie gras en contestant l'authenticité du produit !

Vous avez également décidé d'importer du vin français en Chine ? Qu'est-ce qui vous a amené à prendre cette décision ? N'est-ce pas chose difficile ?

(miniature) Deux Français ouvrent un restaurant français à Changsha en Chine (Interview) Deux Français ouvrent un restaurant français à Changsha en Chine (Interview)

Georges veut importer quelques vins et les proposer notamment en vente dans le restaurant, ce qui pourrait nous apporter un revenu supplémentaire. La France est réputée en Chine pour sa gastronomie et ses vins. Il nous semble intéressant d'associer les deux.

Sur place il est difficile de trouver de bons vins à petit prix car les taxes sont très élevées (il faut doubler voir tripler le prix d'une bouteille achetée en France). D'un autre côté les clients veulent essayer le vin français, mais à petits prix. Il y a beaucoup d'arnaques en Chine : faux vins, vins mélangés, piquette achetée a moins d'un euro et embouteillée en Chine, vins recomposés à partir de poudre, etc. Les importateurs prennent aussi des marges importantes et abusent parfois de la méconnaissance des consommateurs.

A ce jour, y a-t-il quelque-chose que vous regrettez déjà et que vous auriez fait différemment ?

Pour le panneau extérieur et le logo, nous avons voulu faire « chinois » pour plaire aux Chinois et être reconnu avec une couleur rouge, et le nom en Chinois plus grand que celui en français. Mais plusieurs clients nous ont dit qu'ils auraient préféré un style plus français !

Pour la décoration intérieure, nous voulions peindre en blanc cassé ou jaune. Cependant nous avions beaucoup de problèmes avec l'équipe des travaux. Et de notre côté nous avions du mal à visualiser le résultat final. On nous avait promis une maquette et un plan 3D sur ordinateur mais nous n'avons rien eu au final...

Auriez-vous des conseils  à donner à ceux, qui comme vous souhaitent ouvrir un affaire dans la restauration en Chine ?

Se méfier des partenaires chinois. Bien connaitre les goûts des clients chinois. Trouver les bons prix. Penser a une décoration différente et a un confort suffisant (qu'on ne trouve pas encore dans les restaurants chinois, sauf pour les grandes chaînes qui envahissent le marché). Être prêt à travailler dur et planifier au maximum.

Avez-vous d'autres choses à ajouter ?

Nous sommes très contents d'avoir la chance de suivre notre projet en Chine. C'était laborieux... C'est difficile à présent d'organiser le quotidien et de rôder le fonctionnement car on vient d'ouvrir. Mais on ne regrette pas. On fait de notre mieux et on est très content de notre aventure !

Merci de nous avoir interviewé et de l'intérêt que vous portez a notre projet. 

Vous  pourrez nous rencontrer et déguster nos plats à l'adresse suivante :

Leduc French restaurant
44 Nanhu road Changsha
长沙市天心区南湖路44号永宏阁112号门面乐都客法国餐厅

[EDIT] Le Restaurant a déménagé le 18 décembre 2012 au 427 Lushan Road, Changsha, Hunan et se nomme désormais "Rive gauche".

La Rédaction

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